Nantes (44) Le Jardin extraordinaire, Grand Prix des Victoires du paysage 2020
La cérémonie de remise des prix devait se tenir en « distanciel » le 20 mai dernier. Le dernier-né des parcs nantais, implanté dans une ancienne carrière en bordure de Loire, obtient la récompense suprême.
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C’est la consécration, à la fois pour Nantes (44) et l’agence Phytolab, des habituées du palmarès des Victoires du paysage : pour la première fois, elles reçoivent le Grand Prix pour le Jardin extraordinaire de la carrière Misery, inauguré en septembre 2019. Ce projet a aussi été primé pour la catégorie « Réalisations-Parc » au Palmarès du paysage 2021, de la Fédération française du paysage (lire Le Lien horticole n° 1105, p.46 à 49), nouveau concours se voulant complémentaire des Victoires du paysage organisées par Val’hor.
Cent unième jardin de Nantes, le Jardin extraordinaire a séduit le jury par son ancrage territorial, l’originalité de sa conception, la qualité de sa réalisation et de sa gestion. Un engouement que le public partage, avec une fréquentation de plus de 500 000 visiteurs comptabilisée la première année, dépassant toutes les prévisions alors même que l’ouverture s’est opérée peu avant la crise sanitaire et que l’accès par les transports publics n’est pas encore pleinement déployé.
Quand la puissance des lieux inspire la conception
Le Jardin extraordinaire s’inscrit à la croisée des trois parcours du programme de requalification urbaine du Bas-Chantenay – le coteau, la plaine et le fleuve – conduit par l’agence d’architecture et d’urbanisme Reichen et Robert & associés ainsi que l’agence Phytolab.
« Ce secteur est celui dans lequel la puissance de l’histoire et de la géographie s’exprime le plus fortement », explique Loïc Mareschal, paysagiste concepteur du projet. En effet, le Jardin extraordinaire a pris vie dans une ancienne carrière d’exploitation de granit à ciel ouvert au bout du Sillon de Bretagne et en bordure de la Loire, face à l’extrémité ouest de l’île de Nantes. Cet emplacement, avec une falaise de vingt-cinq mètres de hauteur et sa configuration en arc de cercle exposée sud/sud-ouest, jouit d’un microclimat spécifique. Les températures y sont supérieures de 4 °C à la moyenne locale, le site étant protégé des vents forts dominants et la proximité de la Loire offrant un gradient d’humidité, des conditions idéales pour ouvrir le champ des possibles en matière de palette végétale. Aux alentours, plusieurs éléments patrimoniaux : l’escalier Saint-Anne, le couvent des Oblates, le musée Jules-Verne, ainsi que l’ancien bâtiment industriel Cap 44, qui accueillera, à l’horizon 2025, un nouveau musée dédié au célèbre écrivain.
Palette foisonnante
Afin de renforcer le caractère spectaculaire des lieux et pour souligner le dénivelé présent, le concepteur a imaginé une cascade en circuit fermé composée de trois jets qui tombent du haut de la falaise dans un bassin de près de 1 000 m2. Celui-ci est ponctué de pas japonais et de deux passerelles qui permettent de le traverser et de se plonger dans un univers luxuriant. Cette cascade met en valeur la roche, de même que le lierre centenaire accroché à la paroi. Dans ce secteur, la part belle a été donnée à la diversité végétale. Un travail minutieux a été effectué sur le choix des espèces – près de 200 au total –, dont un grand nombre de plantes exotiques, méditerranéennes ou tropicales, sélectionnées pour leur feuillage, leur floraison ou leur écorce. Loïc Mareschal s’est notamment inspiré de l’univers de Jules Verne, en particulier de L’Île mystérieuse, en sélectionnant des végétaux aux dimensions XXL : des bananiers, des fougères arborescentes, des cycas, des gunneras du Brésil…
En complément, des espèces indigènes ou horticoles ont également été installées, notamment près de 15 000 bulbes, plantés à l’automne 2019 dans le cadre de chantiers participatifs avec les habitants du quartier. Une grande partie de la végétation spontanée présente depuis plusieurs décennies dans la friche a été conservée en pied de falaise et pour créer le labyrinthe des allées, dans la partie est du jardin. Une démarche visant la préservation de la biodiversité, mais aussi de l’histoire des lieux.
Un jardin inséré dans le territoire
Le Jardin extraordinaire est relié à la partie haute du coteau du Bas-Chantenay par la promenade des Belvédères, qui en compte quatre déjà existants, réaménagés pour l’occasion, et de trois nouveaux projets, offrant des points de vue variés sur le territoire nantais, la Loire et le jardin en contrebas. La liaison s’opère depuis le belvédère du phare de la Loire, situé dans le square Maurice- Schwob, au moyen d’un escalier métallique monumental accroché au plus près de la falaise, dessiné sur mesure par François Delarozière, directeur artistique de la compagnie La Machine et réalisé dans ses ateliers.
Le projet ne s’arrête pas là, une seconde tranche de travaux étant prévue dans la partie est de la carrière. Elle comprend la création de plusieurs voies d’escalade, dont une partie ont déjà été ouvertes au public dans le secteur du square du Commandant-Aubin et l’installation, en 2023, de l’arbre aux Hérons, point d’orgue du Jardin extraordinaire. Imaginé par la compagnie La Machine de François Delarozière depuis le début des années 2000, il s’inscrit pleinement dans l’imaginaire onirique de Nantes.
Cette structure d’acier monumentale mesurant 50 mètres de diamètre et 35 mètres de hauteur est surmontée de deux hérons pouvant embarquer une quinzaine de visiteurs pour un voyage dans les airs. Les vingt-deux branches de l’arbre, en partie végétalisées, proposeront une balade dans des jardins suspendus sur plus d’un kilomètre de long. De quoi faire de ce site hors norme l’un des futurs lieux phares de la ville.
Yaël HaddadPour accéder à l'ensembles nos offres :